Angus Walters est né le 9 juin 1881, dans une famille de Lunenburg, pour qui la mer faisait partie intégrante du patrimoine.
Elias Walters, le père d’Angus, était le capitaine de sa propre goélette, le Nyanza — et il figurait parmi les meilleurs marins de la flotte de pêche de Lunenburg. Impatient de se rendre sur les Grands Bancs (malgré les souhaits de ses parents qu’il demeure aux études le plus longtemps possible), Angus a fait son premier voyage à bord de la goélette de son père, à l’âge de 13 ans seulement, en 1895. Il a commencé comme « égorgeur », mais au début de sa deuxième saison de pêche, Angus a rapidement fait ses preuves et a été promu « pêcheur en doris ». Il a donc quitté la goélette pour aller pêcher la morue au chalut dans un doris.
Le chef de bord du doris d’Angus était Ben McLaughlin, un pêcheur expérimenté. Un jour, Angus et son compagnon de doris sont partis de la goélette pour commencer leur journée de travail. Mais, alors qu’ils étaient en mer, le brouillard est tombé et ils n’ont pas pu retrouver le chemin de la goélette. Cette situation arrive bien souvent aux pêcheurs des Bancs. Souvent, lorsque le brouillard ou d’autres conditions météorologiques se présentaient, les pêcheurs — seuls avec leur petit compas de doris et leur ingéniosité — étaient incapables de regagner leur goélette en toute sécurité. Ils disparaissaient à tout jamais. Mais la chance a souri à Angus et Ben. Le brouillard a fini par se dissiper, et les deux compagnons de doris ont pu revenir en toute sécurité à la goélette. Ils ont eu de la chance — cette fois-ci.
Quelques années plus tard, John, le frère d’Angus, a été entraîné par-dessus bord. Angus, qui avait prouvé qu’il avait les compétences nécessaires pour réussir sur les Bancs, a été promu au poste de lieutenant à bord de la goélette de son frère. Angus a rapidement pris les commandes, a ordonné la mise à l’eau d’un doris et a réussi à ramener son frère sain et sauf à bord du navire.
En moins de 10 ans, Angus a affronté presque tout ce que la mer pouvait lui réserver, et faisait incontestablement partie des meilleurs marins. D’ailleurs, à seulement 24 ans, il était déjà capitaine du navire Minnie M. Cook.
Grâce à ses réalisations sur le Minnie M. Cook, Angus a réussi à trouver des investisseurs pour construire sa propre goélette, le Muriel B. Walters, et est devenu « pêcheur au grand large ». Il s’agit de la plus haute distinction accordée au navire et au capitaine qui a effectué la plus grande prise de la flotte de Lunenburg.
Angus avait beaucoup travaillé et avait la réputation de « vouloir toujours cingler » et d’être un « gros pêcheur ». Il était un meneur, et naviguer avec lui n’était pas une plaisanterie. Cependant, il était un capitaine prudent et n’avait jamais perdu un homme. Il était donc très respecté et réussissait toujours à trouver un équipage.
En 1919, alors qu’il était encore dans la trentaine, Angus Walters avait déjà cumulé les réussites de toute une vie. Il s’était forgé une réputation exceptionnelle en mer, avait trois enfants avec sa femme Maggie, qu’il avait épousée en 1908, et avait fait construire une maison familiale avec vue sur le port de Lunenburg. Il a vendu le Muriel B. Walters et a acheté la goélette Donald Silver, puis a fait construire une autre goélette de son choix, le Gilbert B. Walters.
En 1920, avant la première course internationale des pêcheurs, Lunenburg a organisé une course d’élimination pour déterminer quel navire représenterait le Canada dans cette compétition. Angus a inscrit son navire, le Gilbert B. Walters, et compte tenu de sa réputation, il était assuré de gagner. Toutefois, pendant la course, son mât supérieur avant s’est cassé et son navire a franchi la ligne d’arrivée six minutes après les autres. Il a alors été décidé que le gagnant de la course d’élimination, la goélette Delawana, de Lunenburg, dirigée par le capitaine Tommy Himmelman, représenterait le Canada dans la course internationale.
Angus savait que Tommy Himmelman était un excellent chef de bord, mais il craignait que le Delawana ne soit pas de taille face au concurrent américain. Les prédictions d’Angus étaient exactes, et la goélette américaine Esperanto, de Gloucester, a remporté la coupe internationale des pêcheurs.
Quelques instants seulement après la victoire de la goélette américaine, il a été décidé que la Nouvelle-Écosse devait construire un nouveau navire concurrent pour la course de l’année suivante, et que compte tenu de sa réputation impeccable, le capitaine Angus Walters devait en être le capitaine.
Lorsque le Bluenose a été inauguré, au printemps 1921, les gens savaient qu’il serait exceptionnel, mais personne n’aurait pu prédire l’empreinte que le Bluenose et le capitaine Angus Walters laisseraient sur l’histoire du Canada. Personne, même Angus lui-même, n’aurait pu prédire le patrimoine qu’ils laisseraient. Le capitaine Angus Walters, qui pêchait la morue sur les Grands Bancs, a représenté notre pays sur la scène internationale. Il est passé presque du jour au lendemain du statut de « humble pêcheur » à celui de « héros canadien ».
Le capitaine Angus Walters et le Bluenose ont non seulement représenté le Canada dans les courses internationales de pêcheurs, mais, en raison de la ferveur avec laquelle ces courses étaient suivies, ils ont également représenté le Canada à l’exposition universelle de Chicago en 1933, et de nouveau au jubilé d’argent du roi George V, en Angleterre, en 1935. Tout un honneur pour un « humble pêcheur de Lunenburg ». Mais c’est ce qu’Angus était – un humble pêcheur de Lunenburg qui retroussait ses manches et travaillait aux côtés de ses compagnons. Un humble pêcheur qui cherchait à subvenir aux besoins de sa famille et à faire en sorte que les membres de son équipage puissent eux aussi subvenir aux besoins des leurs. Un humble pêcheur qui a su démontrer ce que signifie être Canadien, dans un pays qui était encore tout jeune. Le capitaine Angus Walters était un véritable héros canadien.
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